• L’appel fondateur
    • Signer l’appel
    • Liste des signataires
  • WebTV
  • Contribuer
    • Vote en cours
    • Périodes de contributions passées
  • Agir
  • Financer
  • Ils et elles font mouvement
    • Ils et elles réfléchissent et agissent
  • Presse
    • Communiqués de presse
    • Revue de presse
  • Contact

En route vers la démocratie ! Par Dominique Méda

18 juillet 2016

Partager la publication "En route vers la démocratie ! Par Dominique Méda"

  • Facebook
  • Twitter

En route vers la démocratie !

Par Dominique Méda

 

Ces derniers jours ont apporté, une fois encore, leur lot de nouvelles inédites et sidérantes : au plan national, l’interdiction gouvernementale de manifester contre la Loi Travail, annoncée le 22 juin au matin (puis abandonnée au cours de la journée) ; au plan international, la victoire des tenants du Brexit et la découverte par la presse médusée de l’ampleur du fossé existant entre les souhaits des classes populaires et ceux des « élites » (bien mal nommées).

 

Le sentiment persistant de dépossession et d’impuissance des citoyens face aux différents processus de déconstruction, voire même de déréliction de nos conditions de vie communes (un chômage qui ne diminue pas, une compétition internationale qui ne cesse pas, un terrorisme qui frappe au cœur de nos cités, une violence qui semble se banaliser…) s’est encore accru.

 

L’article précédent de Jean Paul Jouary a insisté sur le caractère déterminant de nos institutions parmi les causes de l’incapacité française à reprendre en main son destin. Et l’on ne peut que partager son diagnostic ainsi que les propositions en débat – par exemple celles d’un Dominique Rousseau, pour mettre en place une « démocratie continue » : glissement de la fonction présidentielle vers une magistrature morale grâce au transfert du Conseil des Ministres (désormais présidé par le Premier Ministre) à Matignon (nul besoin ainsi de renoncer à l’élection du président de la République à laquelle nos concitoyens sont tellement attachés), contrat de législature entre le Premier Ministre et le Parlement, développement d’une démocratie sociale, de conférences de citoyens, du non cumul des mandats, du scrutin proportionnel…

 

Mais cela suffirait-il ? Nos gouvernants eux-mêmes – et ceux qui viendraient à les remplacer au terme du processus de démocratisation dont il vient d’être question – ne sont-ils pas impuissants, soumis qu’ils sont à la double contrainte des Traités européens et des (non)règles qui régissent les échanges internationaux ? Et quoi que l’on pense de la volonté de notre Président, n’est-ce pas comme structurellement qu’il a été obligé de renoncer à sa fameuse promesse de mater son ennemie la finance ? Les traités européens, nous ne le savons que trop bien, nous contraignent actuellement à respecter les fameux critères de Maastricht, à respecter un déficit public ne dépassant pas 3% du PIB, à faire en sorte que l’endettement public ne soit pas supérieur à 60% de celui-ci et finalement à diminuer nos dépenses publiques. Et nous savons que cet ensemble d’obligations a conduit un certain nombre de pays européens à diminuer leur déficit budgétaire plus rapidement qu’il n’était souhaité et à mettre en place des politiques d’austérité qui ont contribué à aggraver la crise.

 

Nous savons aussi que les politiques mises en place depuis plusieurs années, qui visent à réduire le coût du travail et les protections des travailleurs sont la conséquence directe du respect de ces contraintes, le travail et plus généralement le social étant devenus la seule variable à notre main. Et il est vrai qu’une grande partie de la loi El Khomri et bien d’autres dispositions ayant entraîné un recul des droits sociaux figuraient en toutes lettres dans la recommandation du Conseil européen à la France à l’occasion du Programme national de réforme 2015, présenté comme chaque année par les membres de l’Union européenne dans le cadre des Grandes Orientations de Politique Economique.

 

Mais les traités européens ne sont pas seuls en cause : que dire de la pression exercée depuis le milieu des années 1980 par la libre circulation des capitaux et des changes – théorisée par Milton Friedman -, sur l’ensemble des législations et des institutions nationales ? Celles qui concernent la protection des travailleurs – droit du travail et protection sociale -, sont soumises à un chantage permanent et mises en concurrence par des entreprises transnationales et des capitaux à la recherche de taux de rentabilité toujours plus élevés. Pour être attractifs, et se situer convenablement dans le benchmarking permanent auquel les pays sont soumis, il faut désormais exhiber des facilités à licencier toujours plus grandes, des contrats susceptibles d’être rompus au plus vite et sans pénalité financière, des embauches auto-dissolubles, des juges fantoches, des protections réduites au minimum. Le palmarès brandi chaque année au Forum de Davos, Doing Business, dont il est chaque fois fait grand cas dans la presse, est l’illustration de cette nouvelle hiérarchie des valeurs.

 

Comme Alain Supiot, Mireille Delmas-Marty ou Bernard Thibault l’ont montré dans des ouvrages récents, les entreprises transnationales peuvent désormais faire leur marché parmi les normes existantes, et entretenir de cette manière une compétition permanente entre les législations nationales, tout en se dotant des moyens d’échapper à leurs responsabilités par le biais de leurs filiales. Prendre la responsabilité au sérieux, comme le suggèrent Supiot et Delmas-Marty ce serait mettre en œuvre les règles permettant d’imputer aux entreprises mères les dégâts environnementaux et sociaux réalisés par les filles… Mais il faudrait pour cela mettre en place des règles : et notamment des règles permettant d’édicter des normes sociales et environnementales strictes ainsi que les procédures permettant de sanctionner leur non respect.

 

Et c’est bien sûr ici que le bât blesse : car jusqu’alors le prétendu « Consensus de Washington » – qui avait remplacé feu le Consensus de Philadelphie – n’acceptait les règles que dans la mesure où celles-ci permettaient d’instaurer, une fois pour toutes, la concurrence, comme Foucault l’a bien montré dans Naissance de la biopolitique et son analyse de l’ordo libéralisme allemand mis en place juste au sortir de la Seconde Guerre Mondiale. En revanche, haro sur les règles illustrant le volontarisme de communautés politiques vivantes et permettant de réguler vraiment les flux financiers et les comportements. Depuis Hayek, nous savons que cette sorte d’ordre construit, issu de l’exercice conscient par les êtres humains et les sociétés, est pervers, dangereux et source de totalitarisme…

 

Et c’est ainsi que nous avons laissé se développer, depuis le milieu des années 1980, dans la plupart des pays et quelle que soit la couleur des gouvernements, une situation de compétition de tous contre tous, sous couvert de globalisation, qui conduit au détricotage des droits sociaux et à un dumping social permanent. C’est ainsi que nous devrions aujourd’hui, dans le sillage des réformes Schröder, mais aussi Blair, puis des réformes Rajoy et Renzi, continuer comme l’OCDE l’a suggéré sans relâche depuis des décennies, à diminuer les protections, à libérer les entreprises des entraves qui les handicapent dans la compétition mondiale et à supprimer les règles qui tentent de civiliser les rapports de travail. Comment résister à une telle pression ? Je me souviens d’un responsable du parti socialiste me disant, au moment de la réforme des retraites de 2012 : « si nous ne faisons rien, les marchés vont nous taper ». Et en effet, la figure oppressante du marché a permis d’organiser peu à peu le démantèlement des protections mais aussi la modération salariale, la baisse des impôts, le déséquilibre des rapports de force en faveur des actionnaires et l’insuffisance radicale des politiques de lutte contre le chômage.

 

Donner toute sa chance à la démocratie consiste donc d’abord à se libérer  de cette tutelle invraisemblablement pesante que nous avons mise en place nous mêmes, bourreaux de nous-mêmes que nous avons été. Et dans cette perspective, une pièce extraordinairement importante vient d’être apportée au dossier, sans tambours ni trompettes, dans le silence qui précède les grandes révolutions. Cet élément, c’est la reconnaissance par trois économistes du FMI, le temple de la dérégulation financière, le chantre de la liberté sans aucune entrave des capitaux, que le bilan du consensus de Washington et des politiques promues par Friedman, Hayek et leurs épigones, était terriblement mauvais. Selon cet article, intitulé « Le néo-libéralisme est-il survendu ? », la liberté de circulation des capitaux et les politiques d’austérité auraient produit des conséquences délétères sur les sociétés. Les trois auteurs indiquent très clairement qu’il faut revenir sur ces politiques, revenir en arrière puisque c’est le retour au contrôle des capitaux qui est suggéré.

 

Telle serait la première des conditions pour récupérer les conditions de notre liberté et de l’efficacité d’un renouveau de la démocratie : encadrer à nouveau strictement la liberté des capitaux, réinventer des règles évitant leur ballet incontrôlable. Des règles, il en faut également pour réguler le commerce mondial. Supiot rappelle avec raison qu’en 1948 la Charte de la Havane avait prévu la création d’une Organisation Internationale du Commerce dont l’une des missions était aussi de poursuivre un haut niveau d’emploi. Un objectif en pleine concordance avec deux documents essentiels publiés en 1944 : la Déclaration de Philadelphie, d’une part, proclamant à nouveau que le travail n’est pas une marchandise et explicitant les conditions d’une telle ambition ; l’ouvrage rédigé par Beveridge, d’autre part, Full Employment in a free society, considérant que le maintien du plein emploi est la condition sine qua non de la persistance de la démocratie. La Charte de la Havane ne fut pas ratifiée par le Congrès américain et l’on sait ce qu’il advint plus tard : naissance du GATT, puis de l’OMC et priorité donnée au commerce sur le travail et l’emploi.

 

C’est aussi sur cette inversion des priorités qu’il nous faut revenir : les conventions de l’OIT doivent avoir force de loi et édicter des normes sociales impératives, susceptibles de s’imposer à tous les Etats et d’être invoquées devant un tribunal des différends comme le suggère Mireille Delmas-Marty depuis longtemps. Normes sociales et environnementales impératives, pouvoirs supérieurs données aux institutions capables de les édicter et de les faire respecter : des associations ont aussi proposé qu’un mandat commercial européen soit mis en œuvre. Cela mettrait l’Europe sur la voie de ce que nous souhaitons qu’elle devienne : sociale, environnementale et démocratique. Seule cette Europe pourrait engager la reconversion écologique d’ampleur à laquelle nous devons dès maintenant nous atteler, mais aussi la politique déterminée de réduction du temps de travail et de lutte contre le chômage qui ne peut plus attendre.

 

La démocratie ne peut pas rester aux portes de l’entreprise. Jean Jaurès rappelait dans ces termes, en 1893, l’ampleur du fossé entre citoyenneté politique et citoyenneté sociale : « par le suffrage universel, par la souveraineté nationale, vous avez fait de tous les citoyens, y compris les salariés, une assemblée de rois. Mais au moment même où le salarié est souverain – dans l’ordre politique – il est dans l’ordre économique réduit à une sorte de servage. A tout moment ce roi de l’ordre politique peut être jeté dans la rue». Certes, les temps ont bien changé, et toute l’histoire du salariat est, comme l’a montré Castel, celle de la civilisation de la relation de travail. Mais pourtant, on ne peut toujours pas vraiment parler de citoyenneté ou de démocratie dans l’entreprise. En tous cas pas dans les termes que suggérait le juriste et philosophie Adéodat Boissard en 1910, au moment de la rédaction du premier Code du travail Français : comparant les trois régimes économiques successifs (communisme familial primitif ; régime salarial ou capitaliste, de partage inégal ; associationnisme ou régime de partage égal) et les trois étapes du développement de la démocratie (patriarcat ; monarchie ; démocratie), Boissard indiquait que l’évolution politique avait devancé l’évolution économique et qu’il était temps de quitter le régime de partage inégal pour l’associationnisme, c’est-à-dire le régime de démocratie dans l’entreprise.

 

De nombreux travaux ont, ces dernières années, proposé des modalités concrètes de réalisation d’une telle ambition : la philosophe Isabelle Ferreras, le gestionnaire Armand Hatchuel et la sociologue Blanche Ségrestin, l’économiste Olivier Favereau, le juriste Philippe Robé et bien d’autres ont explicité comment l’entreprise pouvait devenir un haut lieu démocratique.

 

Tous ces chantiers ne sont pas sans lien : pendant que des chercheurs montraient que les organisations du travail les plus favorables à l’amélioration des conditions de travail étaient les plus répandues là où les taux de syndicalisation sont les plus élevés, d’autres mettaient en évidence la corrélation entre ces derniers et la faiblesse des inégalités. Dans tous les cas l’action collective et la prise de parole des salariés sont déterminantes. Et ce sont dans tous les cas les règles, pourtant si souvent décriées, qui sont source de liberté. Ce sont de nouvelles règles, sociales, que les pays membres de l’Union européenne volontaires pourraient proposer de partager pour faire la preuve que l’Europe peut être autre chose que celle du marché, qu’elle peut devenir une zone de très haute qualité environnementale, démocratique et sociale.

 

 

Connexion

  • Mot de passe perdu ?

Restez informé-e-s

Tweets de @lemvntcommun

Actualités

Pour préparer l'après, voter contre l'extrême droite
1 mai 2017
Événement : « Nous ne vendrons pas notre avenir »
5 octobre 2016
En route vers la démocratie ! Par Dominique Méda
18 juillet 2016
  • L’appel fondateur
    • Signer l’appel
    • Liste des signataires
  • WebTV
  • Contribuer
    • Vote en cours
    • Périodes de contributions passées
  • Agir
  • Financer
  • Ils et elles font mouvement
    • Ils et elles réfléchissent et agissent
  • Presse
    • Communiqués de presse
    • Revue de presse
  • Contact

Abonnez-vous à la lettre d’information

© Le Mouvement Commun - Tous droits réservés
Informations légales